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Babeth


jeudi 16 février 2012

L’INUTILE BEAUTE



Paris, minuit, rue de Lappe, à la sortie du Balajo (boite à gogo danseuses).
Marcel Alonso, la cinquantaine, titube. Comme chaque samedi, il s’est offert sa soirée parisienne loin de sa ferme, de ses vaches et de ses cochons. Le visage rond, rougeau, sentant le Calvin Klein aux herbages, porté par son ventre débordant, plus ou moins rentré dans son pantalon velours, il remonte la rue comme un balancier vieillissant.
La casquette enfoncée sur ses oreilles, il stoppe net avec un léger soubresaut. De l’autre côté de la chaussée, il vient d’apercevoir une silhouette qui ne lui semble pas inconnue. Au sol, ramassée sur ses jambes et emmitouflée dans une couverture, se trouve une jeune femme au sourire d’ange, collé sur son visage exténué. Leurs regards perdus se croisent. Il la reconnaît mais pour elle qu’en est-il ? La femme ne bouge pas, l’air ailleurs. Marcel balance d’avant en arrière sur l’arête du trottoir. Traversera, traversera pas ?
Le sorcier lui avait prédit un temps fort ce mois-ci. C’est sûrement un signe. Alors, traverse !
Marcel avance et s’agenouille face à elle. Il la regarde fixement tout en essayant de garder son équilibre. Maintenant il en est certain ; c’est bien Angélique.
« - Angélique ? C’est toi ma douce ? Mon dieu que je suis content de te retrouver. Tu m’as tellement manqué !
Mais que t’ont-ils fait ? Il ne faut pas rester là. Il n’est pas question que je te laisse.
-        
-         Angélique ? Parle-moi.
-        
-         Ecoute-moi. Tu sais ? Comme Mistigri, tu as sûrement encore voulu ta liberté ? Tu voulais voyager, découvrir le monde ? OK, tu l’as fait. Ca c’est fait !
He bien, Mistigri est revenu le poil tout hérissé. Je m’en suis bien occupé ; je l’ai nourri, caressé et maintenant, il a retrouvé sa place près du poêle, bien au chaud.
Allez, viens ! »
Marcel l’aide à se lever tout doucement sur ses maigres jambes et son cœur se serre. Il réajuste la couverture sur ses épaules. Et l’un encastré dans l’autre, ils arpentent la rue de Lappe, direction les champs. Marcel sourit comme à chaque fois qu’il la ramène.

Ferme de Boussac, midi, chemin des ronces.
Angélique est belle comme un soleil. Elle respire la santé et marche d’un bon pas devant Marcel. Ses cheveux blond vénitien scintillent et, à chaque pas, les boucles de son chignon improvisé caressent sa blanche nuque. Sur ses douces épaules arrondies, elle porte le châle soyeux du dimanche. Les mouvements d’étoffe éblouissent Marcel et ces éclairs de lumière l’invitent à accélérer le pas. Il voit bien que la petite jupe droite d’Angélique l’empêche d’avancer plus vite. Et ses chaussures à talons risquent de la déséquilibrer à tout instant. Il ne faudrait pas qu’elle tombe !
Marcel est heureux et soucieux. Elle est là et bien là. Et si elle lui échappait encore une fois… Pourquoi ne marche t’elle donc pas à ses côtés ? Pourquoi évite-t-elle régulièrement son regard ? Il est vrai qu’elle joue bien son rôle d’épouse et de cuisinière ; une vraie petite femme de maison ! Mais quand il prend son verre de rouge à l’heure du café, à l’apéro, le midi, à deux heures, à quatre heures, à l’apéro, au dîner, au dessert, il la sent plus distante et cela l’agace, voire l’énerve. Souvent même Marcel pique une crise et voit rouge. Tapera ? Tapera pas ? Angélique panique. Tapera.

Champ du bout du monde, six heures du soir.
Marcel affalé sur son tracteur, le regard vide, ne prête aucune attention au magnifique coucher de soleil qui inonde la campagne d’une lumière rosée. Il est seul dans cette immensité. Personne ne l’attend. Sa journée de dur labeur est terminée. Péniblement, il descend de sa fidèle machine et s’en retourne, à pied, à la ferme. Chaque pas craque sous les cailloux ; chaque pas soulève la poussière du chemin. Arrivé, il ouvre la porte battante de la cuisine qui se referme dans un bruit de grincement aigu. Marcel hésite. Marcel s’assoit et boit un grand verre d’eau.